Quel avenir pour l'intelligence économique en Tunisie ?

Le flux d'informations est énorme, les changements sont de plus en plus imprévisibles et les menaces pour l'entreprise accentuent leur gravité. Dans cette « jungle économique », l'entreprise ne sait pas à quel saint se vouer. L'intelligence économique, comme étant un processus de collecte, de traitement et d'analyse de l'information, permet de dissiper un peu le flou de la vie économique et doter l'entreprise d'une vision prospective qui permet d'anticiper les changements. Ce processus qui connait un franc succès dans les pays développés et dans certains pays similaires au notre, vient d'entamer sa genèse en Tunisie avec un léger retard par rapport aux autres. L'actualité économique en Tunisie et à l'échelle internationale imposent l'instauration d'une véritable culture de l'intelligence économique dans les entreprises et au sein des structures gouvernementales. Plusieurs initiatives sont déjà amorcées, ce qui laisse prévoir un avenir radieux pour l'intelligence économique en Tunisie.

Pourquoi mettre en œuvre une démarche d'intelligence économique ?

Plusieurs éléments expliquent la nécessité d'une démarche d'intelligence économique :
Le processus de la mondialisation accentue l'interdépendance entre les économies, surtout avec le développement des multinationales. La concurrence à l'échelle internationale est devenue plus dure et les marges bénéficiaires se sont rétrécies. La place de l'innovation est devenue très importante, pour avoir un avantage comparatif et gagner des parts de marchés. Cette mondialisation a été accélérée par le développement des nouvelles technologies de l'information, qui ont augmenté le flux informationnels et faciliter l'accès à l'information et ont aussi augmenté la vulnérabilité de l'entreprise.
C'est dans ce contexte que l'information, triée, traitée, analysée, et bien exploitée, est devenue un élément de compétitivité pour l'entreprise.



Le processus d'intelligence économique a un grand apport pour l'entreprise pour améliorer sa compétitivité et développer son processus managérial. En effet, l'IE permet à l'entreprise de s'adapter à son environnement sur ces multiples facettes : juridique, environnemental, politique, économique,….et même anticiper les changements dans ces différents environnements.

L'IE permet aussi à l'entreprise de détecter de vraies opportunités d'affaires qui peuvent améliorer sa rentabilité que ce soit en termes de nouveaux marchés ou de nouveaux produits et services.
L'entreprise tombe parfois dans l'autosatisfaction croyant sa stratégie et sa méthode de fonctionnement la plus performante. Or l'intelligence économique permet à l'entreprise de faire un diagnostic de son système d'information et ainsi identifier ses forces et ses faiblesses, pour apporter les ajustements nécessaires et établir une stratégie de développement.

Sur un autre plan, l'IE dote l'entreprise d'une stratégie d'influence et de contre influence. En effet, le lobbying (sous sa forme légale) est l'un des outils de l'IE pour essayer de faire adapter l'environnement aux capacités et intérêts de l'entreprise. Cette dernière est soumise aussi à des influences internes et externes, et l'IE permet de mieux les appréhender et les anticiper.

Autant l'IE permet de bien gérer les informations au profit de l'entreprise, autant elle améliore son système de sécurité et la préservation de son capital immatériel (brevets, innovations,…)
En conclusion l'IE apparaît aujourd'hui comme un important réducteur d'incertitude et un bon outil pour valoriser l'actif immatériel de l'entreprise et gérer le flux informationnel pour se doter d'une vision prospective.
Ce sont la quelques apports de l'IE, et qui militent en faveur de l'instauration de cette démarche. Ou en est-on en Tunisie ?

La genèse de l'intelligence économique en Tunisie :

L'intelligence économique connait un développement important depuis quelques années en Tunisie. Ce développement se manifeste au niveau des structures publiques, privées et surtout universitaires.
Au niveau de l'université on signale surtout les initiatives de l'université de Mannouba qui organise depuis quelques années un séminaire sur les systèmes d'information et intelligence économique et qui en est à sa deuxième session, qui vient d'avoir lieu à Sousse. Cette même université envisage même de lancer un master en intelligence économique au cours de la prochaine année universitaire.

Des universités privés se sont aussi engager dans cette démarche, à l'instar de TIME université de Mohammed Dammek, qui est en train de concocter un master en intelligence économique en partenariat avec des européens.


Plusieurs travaux de recherche et d'étude et même des thèses d'Etats ont été rédigés depuis des années, et qui vulgarisent le concept d'intelligence économique et démontrent son importance pratique.
Sur le plan des structures gouvernementales, le Ministère du Commerce et de l'Artisanat est précurseur en intelligence économique. Il est en train de mettre en place un réseau de veille commerciale et d'intelligence économique, en partenariat et avec l'assistance du Centre de Commerce International de Genève. Un réseau qui va certainement permettre de mutualiser les efforts de plusieurs structures. Ce réseau va s'ajouter aux autres structures de veille et d'information existantes dans les différents ministères et organes de soutiens.
Au niveau du secteur privé, on signale l'initiative de l'UTICA d'installer une cellule d'intelligence économique, et qui peine à voir le jour jusqu'à présent.

Plusieurs grandes entreprises privées se sont imposées comme de grands précurseurs de l'intelligence économique en Tunisie, à l'instar de l'expérience édifiante de Coficab du groupe Shakira, spécialisée dans les câbles électriques. Ce groupe a réussi à maintenir une position mondiale importante (plus de 11% de part de marché à l'échelle mondiale et une grande expansion internationale), en partie grâce à la mise en œuvre d'une démarche d'intelligence économique. D'autres grands groupes et holding tunisiens, se sont aussi engagés dans ce processus.

Certains cabinets de conseil et bureaux de formation se sont aussi initiés à l'intelligence économique, et offrent des services de mise à niveau des systèmes d'information et la mise en œuvre d'une démarche IE. Ces initiatives sont limitées et très timides et manquent de professionnalismes.
Au niveau du tissu associatif, l'idée de création de l'association tunisienne d'intelligence économique est en cours de gestation et verra peut être le jour durant les prochains mois.

En conclusion, l'intelligence économique semble bien partie en Tunisie avec des efforts importants de part et d'autres, sans une intégration de ces initiatives dans une politique nationale d'intelligence économique, qui trace les principaux outils et objectifs.

Un avenir radieux :
A ce stade, l'intelligence économique en Tunisie offre une grande marge de progression. Un avenir radieux s'ouvre devant cette technique, si certaines conditions sont réunies :

  • Le développement de l'investissement privé dans l'IE avec de vrais cabinets d'intelligence économique, et des partenariats avec des bureaux d'envergure internationale.
  • Initier les structures d'appuis gouvernementales (chambres de commerce, groupements, agences…) à la culture de l'intelligence économique pour pouvoir la communiquer aux entreprises.
  • L'édition d'un guide et d'un module de formation à l'intelligence économique qui prend en considération la réalité du tissu économique tunisien.
  • L'instauration d'un tissu associatif pour la vulgarisation et l'initiation à l'intelligence économique.
  • L'instauration d'une véritable politique publique d'intelligence économique à travers une structure centrale, qui assiste les PME à travers l'analyse des informations selon des orientations stratégiques nationales, et la mise en œuvre d'une démarche IE en interne.
  • L'intégration de l'intelligence en tant que module dans les différents cursus universitaires,
  • En pleine crise économique mondiale, l'intelligence économique apparaît comme un outil important d'aide à la décision qui peut aider à sortir avec le moins de dégâts. 


Article paru  dans Tunisie news le 11 - 06 - 2010