IE Afrique accueille aujourd’hui Mounir ROCHDI,
 spécialiste des outils et méthodes de veille. Mounir est 
particulièrement actif en Afrique, notamment au Maroc où il a créé le 
portail Veille.ma. Selon lui, l’Afrique n’est pas en retard en matière 
d’IE. En effet,  le manque de sources d’information
 sur le continent a permis à l’Afrique de s’adapter et de constituer son
 Intelligence sur la base des réseaux humains. En outre, Il présente en 
exclusivité sur IE Afrique, la création d’un Think Tank africain en 
Intelligence Economique. Enfin, il termine son interview en mettant en 
garde les entreprises africaines sur le choix de leur conseil en 
Intelligence Economique. Vous aurez remarqué que Mounir répond à notre 
interview avec un franc-parler qui j’espère sera interprété à sa juste 
valeur.
Présentation de M. Rochdi
Docteur en Veille et Intelligence Compétitive, Mounir ROCHDI
 est un spécialiste des outils et des méthodes de veille. Il s’intéresse
 plus particulièrement à la mise en œuvre d’une Veille Stratégique 
globale au sein des entreprises et à la sécurité de l’information. Fort 
de plus de 12 ans d’expérience dans le domaine, il intervient en tant 
qu’expert dans plusieurs cycles de formation et est invité régulièrement
 à des conférences et colloques internationaux en Europe et en Afrique. 
Mounir Rochdi est membre du Groupement de Compétences pour l’Information
 et la Compétitivité (GCIC) et est administrateur de l’Association Marocaine de l’Intelligence Économique (AMIE).
 Il participe activement à des groupes de réflexion autour de 
l’Intelligence Économique. Il est le Directeur Général Délégué du 
cabinet de conseil français en Intelligence Économique CYBION qui existe depuis 1996 et est le fondateur du portail Veille.ma
IE Afrique: Comment avez-vous connu l’IE et pourquoi avoir fait le choix d’une telle discipline?
M. Rochdi: Tout
 a commencé en 1997. Après 4 années de Sciences de l’Information à 
l’Ecole Des sciences de l’Information de Rabat, j’ai enchaîné avec un 
DEA en information Scientifique et Technique à l’université d’Aix 
Marseille 3. Cette formation était axée sur la veille technologique et 
l’innovation brevet. J’ai tout simplement pris goût à la Veille. Mon 
professeur M. Henri DOU, m’a encouragé à faire un Doctorat pour 
renforcer les compétences que j’avais acquises dans le domaine. Je suis 
passé  donc à un champ beaucoup plus large que celui de la veille et qui
 est celui de l’Intelligence Compétitive. Le monde tourne avec 
l’information. Maîtriser tout son cycle de vie : de sa création au 
client final, est très passionnant.
IE Afrique: Que pensez-vous d’une telle discipline pour l’Afrique?
M. Rochdi: Je 
ne dirais pas que l’Afrique a besoin d’Intelligence Économique car les 
africains en sont déjà conscients. Nous sommes même déjà compatibles IE.
 Comment ? Le manque de source d’information et de méthodes éprouvées 
nous ont poussés à nous adapter. Nous nous sommes tournés vers le réseau
 humain pour obtenir des infos. C’est tout de même l’une des étapes 
difficiles dans une démarche d’Intelligence Économique. Il faut 
maintenant capitaliser cette approche humaine et ajouter une couche de 
professionnalisation. Nous ne se sommes pas en retard, dans ce 
continent, car nous nous adaptons très vite. L’Afrique est devenue 
stratégique pour l’Europe, pour la Chine et pour les États-Unis. Que 
cela soit au niveau des ressources que du marché. Il faut donc bien se 
positionner dans l’échiquier pour garder quelques coups d’avances.
IE Afrique: En ce qui concerne le Maroc où vous êtes actif, pouvez-vous nous faire un bref état des lieux de l’IE dans ce pays?
M. Rochdi:  Le 
Maroc est considéré comme l’un des bons élèves africains de 
l’Intelligence Economique. C’est surtout la société civile qui a porté 
le projet IE et non l’Etat. Il est vrai que la tendance commence un peu à
 s’équilibrer. Ce qui a obligé le pays à développer cette discipline 
c’est d’abord sa situation géographique. Sa proximité Européenne et 
Africaine l’oblige à jouer un rôle de médiateur, de facilitateur et de 
vitrine pour l’Afrique. Pour ironiser un peu, le Maroc serait la clé USB africaine qui se branche sur l’Europe
 (sans aucune prétention). La deuxième raison qui a poussé le royaume à 
se développer dans l’IE est le manque de ressources naturelles telles 
que le pétrole, les pierres ou les métaux précieux. Il fallait 
capitaliser sur les atouts qu’il possédait comme le tourisme, les 
compétences humaines et récemment les énergies renouvelables. Une telle 
stratégie se fait par anticipation sur plusieurs années et par la mise 
en place de politiques qui permettent ce développement. Mais le chemin 
de l’IE au Maroc n’est pas encore terminé. Si les grandes entreprises 
sont , dans leur majorité, plutôt rodées à cette pratique, c’est loin 
d’être le cas pour les PMI-PME qui représentent tout de même le tissu 
économique principal. Il reste encore du travail à faire, et nous 
continuerons à avancer.
IE Afrique: Comment contribuez-vous à faire émerger l’IE en Afrique?
M. Rochdi: La première contribution vient de Veille.ma.
 Ce portail n’a pas une vocation uniquement marocaine mais est plus 
large que cela. D’ailleurs cela se ressent largement par la provenance 
des visites et les messages que nous recevons. Le  portail propose 
régulièrement des rencontres avec des professionnels, de l’actualité 
spécialisée, un annuaire de ressources et une bibliothèque de livres 
blancs et études gratuits. La deuxième action vient de Cybion.
 Bien qu’elle est une vocation commerciale comme toute entreprise, 
j’adapte nos propositions au contexte socio-économique et socio-culturel
 africain et je m’y implique personnellement pour aider l’entreprise à 
s’approprier la démarche. Nous avons d’ailleurs quelques réussites 
africaines pour lesquelles nous pouvons être fiers. Il y a une troisième
 action qui va être un scoop pour votre site IE Afrique. Je ne l’ai même
 pas encore annoncé sur Veille.Ma. J’ai fondé en fin 2009 le réseau ThinkTankers.
 Il regroupe des compétences africaines (y compris la diaspora) dans le 
domaine de la Veille Stratégique, l’Intelligence Economique, la gestion 
des connaissances et la sécurité des Systèmes d’Information. Des 
dirigeants d’entreprises, des enseignants chercheurs, des journalistes, 
des praticiens, des représentants d’institutions publiques font partie  
de ThinkTankers. 
Nous sommes aujourd’hui une vingtaine, issus de plusieurs pays. Pour ne 
citer que quelque uns : Maroc, Algérie, Tunisie, Côte d’Ivoire, Burkina 
Faso, Sénégal, France, Canada, Etats Unis. L’objectif de ce réseau est 
de participer activement au changement. Chaque membre possède au moins 
10 ans d’expérience dans son domaine et maîtrise 3 langues… Plusieurs 
membres doivent proposer une nouvelle candidature pour qu’elle soit 
acceptée ou refusée par tous les membres. Nous ne visons pas la quantité
 mais la qualité.
IE Afrique: Quel serait votre appel aux entreprises et gouvernements africains en ce qui concerne l’IE?
M. Rochdi: Je 
ne vais pas être politiquement correct sur le sujet. J’ai eu la chance 
de travailler dans des environnements totalement différents avec des 
cultures africaines, européennes et américaines. Même si l’approche 
n’est évidement pas la même, l’objectif final l’est : le développement stratégique et économique de l’entreprise, de la région ou du pays. L’Afrique devrait éviter ce que je nomme les « Pinocchio de l’Intelligence Économique ».
 Plus ils parlent d’Intelligence Economique, plus leurs pages web se 
rallongent. Vous l’avez compris, dans ce métier tout le monde se déclare
 expert et spécialiste. Il faut bien choisir celui qui nous accompagne 
dans notre démarche. Ce n’est pas une nationalité qui fait la compétence
 mais c’est l’Homme
 (j’insiste sur homme et femme). Il faut avant tout tester et savoir ce 
que cela peut nous apporter. Il y a toujours des personnes qui sont 
prêtent à aider. Il faut juste les trouver./.
Merci à Mounir pour sa disponibilité et pour son franc-parler. Encore
 une fois, je suis ravi du succès de la rubrique “Interview” qui permet 
de mettre en exergue l’existence d’une réelle communauté africaine de 
l’Intelligence Economique. C’est ensemble, et non individuellement, que 
nous réussirons à faire progresser et à structurer l’IE sur le 
continent.
De nombreuses interviews vous attendent prochainement sur IE Afrique. Alors n’hésitez pas à revenir ou à vous abonner au flux et surtout à interagir avec nous en laissant des commentaires.
A bientôt chers lecteurs.
Zakaria DIAKITE, Veille Stratégique et Intelligence Economique.
 

 
